L’histoire de l’implication des médecins généralistes dans la prise en charge du VIH est maintenant ancienne, puisque le premier réseau ville-hôpital dédié au VIH a vu le jour en 1985. Le développement des réseaux a induit, dans le contexte de l’épidémie dramatique des années 80-90, la création d’un petit groupe de généralistes, dont la compétence était proche de celle d’attachés hospitaliers de services spécialisés. Qu’ils le voulussent ou non, ces généralistes sont devenus pour une part de leur activité des sidénologues de ville. Ce modèle sanitaire, d’une petite cohorte de spécialistes de ville, s’il a eu son utilité, n’est en aucun cas un modèle généralisable ni pérenne. Les réseaux VIH disparaissent au rythme du vieillissement de leurs acteurs. La première raison en est que la prévalence de l’affection est trop faible (tant mieux !) pour que l’investissement formatif que demande le VIH soit « rentable » en termes de nombre de patients pour un jeune médecin débutant. La seconde, et la principale, est que le soin primaire et le soin secondaire sont deux positions fonctionnelles distinctes dans le système de soins, dont l’optimisation passe par une articulation intelligente des deux niveaux, plus que par une exportation du soin secondaire au sein du soin primaire. Chacun à sa place et les vaches seront bien gardées.

Les recommandations des dernières années (SPILF, SFLS, 2009 ; Rapport d’experts sur la prise en charge des personnes vivant avec le VIH)  dessinent un dispositif à deux étages, qui permettrait à des généralistes de s’articuler intelligemment avec les spécialistes du VIH. Les missions initiales relèvent de la compétence de tous les généralistes, telles qu’elles sont définies par la loi HPST : le dépistage, l’annonce, le bilan de débrouillage, l’accompagnement initial, l’information du patient et sa guidance dans l’offre médico-sociale. D’autres relèvent de la compétence du soin secondaire : le choix du traitement, son initiation, sa surveillance initiale, la gestion des échecs thérapeutiques et des complications. Mais une fois le patient stabilisé sous traitement, l’infection par le VIH est une pathologie chronique comme une autre.

 La collaboration soins primaires-soins secondaires s’installera facilement, au bénéfice du patient, si les tâches sont partagées : la détection et la prise en charge des co-morbidités, les vaccinations, et les démarches de prévention, relèvent  des soins de santé primaires et de la compétence de tous les généralistes. Certaines missions comme le suivi des marqueurs biologiques de l’efficacité des traitements, ou le renouvellement des traitements anti rétroviraux peuvent aussi se partager (et non se déléguer, ce n’est pas la même chose !) dans un couple généraliste/spécialiste qui sait collaborer, et dans lequel le généraliste accepte un niveau de formation pharmacologique suffisant.

D’autres acteurs, et notamment les pharmaciens, doivent entrer dans  cette danse pour optimiser à la fois les coûts de la prise en charge, et le confort du patient.

Pour que de tels dispositifs soient efficients, plusieurs conditions sont nécessaires : une bonne volonté partagée de tous les acteurs, et surtout, une qualité de communication très supérieure à ce qu’elle est aujourd’hui Les spécialistes hospitaliers se sont aujourd’hui dans l’ensemble dotés des outils et logiciels de communication nécessaires à l’information régulière des généralistes. L’inverse n’est pas évident : si les généralistes veulent que leur EXPERTISE de soin primaire soit sollicitée par les spécialistes hospitaliers, il faut qu’ils la partagent en communiquant activement avec des outils modernes. Les doublons coûteux de prise en charge (examens identiques répétés en ville et à l’hôpital) relèvent aujourd’hui plus souvent d’une absence de communication de la ville vers l’hôpital qu’en sens inverse.

Il nous faut maintenant transformer l’essai et montrer que nous pouvons optimiser les filières de soins au bénéfice du patient et des coûts de santé. Passons à la vitesse supérieure !

Pr Jean-Pierre Aubert – Médecin Généraliste

Département de Médecine Générale – Université Paris-Diderot, Sorbonne Paris Cité

Pôle de santé 18ème Nord

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