Pour  les hépatologues, 2014 restera l’année d’une avancée thérapeutique majeure, à l’égal des HAART en 1996 pour le VIH. L’extraordinaire efficacité des nouvelles molécules dirigées contre le virus de l’hépatite C (VHC) – antipolymérases (sofosbuvir, daclatasvir, ledipasvir, ombitasvir), antiprotéases de deuxième génération (simeprevir,  paritaprévir…) –  devrait modifier l’épidémiologie de la maladie. Selon les essais thérapeutiques, selon les génotypes du VHC, 95 à 100% des malades traités sont guéris. Mais le conditionnel reste de rigueur. Encore faudrait-il que nous puissions dépister et prendre en charge tous les malades.

En 2004 on estimait à près de 100 000, les personnes ignorant leur infection par le VHC. En 2011, 44% des usagers de drogues avaient été en contact avec ce virus. C’est d’abord le dépistage ciblé qu’il va falloir poursuivre. L’évaluation de la maladie et son traitement doit ensuite pouvoir venir. Pour l’heure, seuls les patients les plus graves (cirrhotiques et précirrhotiques) ont accès aux traitements. Cependant près de 15 000 patients ont pu être traités en 2014 en France. Plus que partout dans le monde, l’accès est large. L’enthousiasme est terni par les arrières-pensées budgétaires. Comment comprendre que le cout de production des molécules soit de 100 à 200 dollars pour 12 semaines de traitement, que le prix de vente soit de plusieurs dizaines de milliers d’euros. Plusieurs centaines de millions d’euros seront payés par la sécurité sociale aux laboratoires. Ce n’est que si le plafond de 700 millions d’euros est dépassé en 2015, que les prix des antiVHC baisseront (loi de financement de la sécurité sociale 2015.) Usuellement, les laboratoires pharmaceutiques estiment que 500 millions à un milliard d’euros sont nécessaires pour couvrir le cout de recherche et développement de nouvelles molécules. Ici l’investissement est d’abord et avant tout boursier : le laboratoire produisant  et commercialisant le sofosbuvir a racheté le laboratoire ayant découvert la molécule pour 11 milliards de dollars. Est-ce aux assurances maladies de solvabiliser les opérations boursières ?

Les tenants de l’évaluation médico-économique nous montrent que même à ces prix, les traitements restent cout efficace pour les patients ayant une hépatopathie évoluée (F2 sévère, F3, F4)… si ces raisonnements avaient prévalu en 1928, il est vraisemblable que la Pénicilline n’aurait pas sauvé grand monde et que la syphilis serait restée une préoccupation majeure de santé publique.

Pour cette nouvelle année, formons le vœu que l’éthique et la raison retrouve leur place au centre de la réflexion médicale, et que l’hépatite C ne soit plus autre chose qu’un virus à ARN aisément traitable.

Dr Anne Gervais Hasenknoff – Hépatologue

Hôpital Bichat Claude-Bernard, Paris 18e
Hôpital Louis Mourier, Colombes (92)

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