Après les Tests Rapides à Orientation Diagnostique (TROD) intégrés en 2010 dans l’offre de dépistage du VIH, la Ministre des Affaires Sociales et de la Santé a annoncé début novembre la commercialisation des autotests pour le VIH en 2014. Ces tests qui permettent de se dépister soi-même sont disponibles aux Etats-Unis depuis Octobre 2012.

Le Conseil National du SIDA a rendu un avis favorable sur l’introduction des autotests en Mars 2013.
A l’occasion de la Journée Mondiale de Lutte contre le SIDA, le Professeur Yeni, Président du Conseil National du SIDA répond à nos interrogations sur ce nouveau dispositif.

Qu’est ce qu’un autotest ?

Pr Patrick Yeni : Un autotest est un test sous l’entière dépendance de la personne qui fait le test. C’est la personne qui effectue le prélèvement (salivaire ou sanguin), qui exécute le test et qui lit le résultat. Ce dernier est disponible en moins d’une demi-heure.
C’est une réelle nouveauté dans le dépistage d’une maladie. En effet, dans le domaine des autotests, il existe les tests de grossesse, ainsi que les tests du taux de glycémie mais dans ce dernier cas le diagnostic de la maladie n’est pas posé par l’usager.
Dans le cas de cet autotest, la personne est seule face au diagnostic suggéré par le test.
Il convient toutefois d’ajouter que comme avec les Tests Rapides à Orientation Diagnostique (TROD), il faut confirmer le résultat d’un autotest par une sérologie classique réalisée en laboratoire.

Quel est la fiabilité d’un autotest ?

Pr Patrick Yeni : Les évaluations pour mesurer la fiabilité d’un autotest ont été faites avec le test OraQuick®, autorisé le 3 juillet 2012 par les autorités sanitaires aux Etats Unies. Sa spécificité, à savoir sa capacité à donner un résultat négatif lorsque l’infection par le VIH n’est pas présente a été établie à 99,8%, et peut donc être jugée très satisfaisante. Sa sensibilité, c’est-à-dire sa capacité à donner un résultat lorsque l’infection par le VIH est présente, a été établie à 92,2% et apparaît relativement moins satisfaisante. On peut ajouter qu’une évaluation du test Oraquick® par une équipe française a rapporté une sensibilité encore inférieure, établie à 86,5%.
Il s’agit là d’un réel défaut du test qu’il faut prendre en considération. Il est nécessaire d’avertir sur cette sensibilité moins fiable que pour les autres tests existants ainsi que de rappeler que le test n’est performant que pour évaluer les conséquences d’une prise de risque datant de plus de trois mois.

Quelles sont au contraire les qualités de cet autotest ?

Pr Patrick Yeni : Ce test permet à des personnes qui ne se seraient jamais faites dépister que ce soit dans un CDAG, dans un laboratoire en ville ou même par les TROD proposés par les associations, de faire un dépistage.
On estime à partir des hypothèses réalisées par l’autorité sanitaire américaine en charge de l’évaluation de l’autotest OraQuick® que l’introduction de ce dispositif en France permettra de découvrir 4 000 nouvelles séropositivités VIH la première année de mise à disposition et donc d’éviter 400 nouvelles infections.
Les autotests permettent ainsi d’améliorer l’offre de dépistage actuelle en ajoutant un outil complémentaire. En revanche, cet outil n’a pas vocation à se substituer à l’offre de dépistage existante.
Enfin, ces tests ont l’avantage de renforcer l’autonomie des personnes dans leur démarche de santé.

Ces tests s’adressent-ils à une population particulière ?

Pr Patrick Yeni : Ces tests ne ciblent pas une population en particulier car ils seront diffusés de manière assez large, notamment en Pharmacie. En revanche, on peut imaginer que c’est une population assez ciblée qui va s’approprier réellement cet outil. Il s’agit notamment des personnes qui ont des prises de risques répétées, une sexualité cachée et un besoin très important de confidentialité.

Où seront commercialisés ces tests ?

Pr Patrick Yeni : On ne peut pas encore dire avec certitude où et comment seront commercialisés ces tests.

Le CNS a préconisé deux circuits de diffusion différents, en raison notamment du coût estimé de cet outil qui est autour de 30 à 40 euros. Le premier circuit  serait payant avec une vente en pharmacie, et sur Internet. Le deuxième serait sous la responsabilité des CDAG et des associations et permettrait d’assurer la diffusion gratuite de ces tests auprès des populations qui associent prise de risque et précarité.

La Ministre des Affaires Sociales et de la Santé a annoncé que les autotests seront commercialisés en 2014. Quelles sont les points de vigilance à avoir sur cette commercialisation ?

Pr Patrick Yeni : Il faut s’assurer avant tout que les conditions d’accès fournissent des garanties d’usage et une utilisation simple de ces tests. La personne qui effectue un test doit pouvoir avoir recours à un avis sur l’interprétation technique du résultat ou sur sa signification. Elle doit également pouvoir avoir un soutien si le résultat s’avère positif. Il faut ainsi trouver des référents dans ces domaines qui pourront répondre aux questions des usagers par téléphone ou via Internet.
Avec l’autotest le recours aux soins n’est pas garanti. Il faut donc également s’assurer qu’il y ait une mobilisation très large des associations du VIH mais également des associations communautaires pour entourer les personnes qui ont recours à ce nouvel outil.
En outre, la commercialisation des autotests doit s’accompagner d’une promotion du dépistage du VIH en général afin de renforcer le message de prévention.
Enfin, une évaluation de l’utilisation de cet outil doit être réalisée un an après sa commercialisation afin d’avoir plus de recul sur les usages et les mésusages.

Crédit photo : new1mproved via Compfightcc

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