Profession de foi de Mathieu Lerault pour la Vice-présidence

COREVIH, Coordination régionale de lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine. En tant que patient, la terminologie du « lutte contre » continue de me plonger dans une grande perplexité. Certes, les armes thérapeutiques actuellement à disposition permettent de circonscrire le virus et dans ce sens de lutter efficacement contre ce dernier. Quant à le terrasser…

Évidemment, l’arrivée des multi-thérapies a changé profondément la donne et a permis de substituer le mot vie à celui d’une mort quasi inéluctable. Vivre, oui, mais vivre avec… Pour reprendre un oxymore souvent utilisé, cette ambivalence fait du virus et de nous les meilleurs ennemis. Cette relation de cohabitation forcée et à durée indéterminée a pour conséquence l’émergence de nouvelles problématiques, certaines propres aux maladies chroniques en général, d’autres spécifiques au VIH.

La prise en charge des personnes infectées par le VIH s’en trouve grandement complexifiée, et nombre des difficultés rencontrées par les malades échappent au champ clinique traditionnel de l’infectiologie. C’est un fait, l’infectiologue ne peut assurer sa fonction et parallèlement celle de psychologue, de sexologue, d’addictologue ou d’assistant social. Les difficultés rencontrées par les patients demandent de plus en plus l’intervention d’une multitude d’acteurs spécifiques. Parmi ces acteurs, les associations sont incontournables. Loin le temps où le terme de « militant » définissait le mieux les structures associatives de lutte contre le SIDA. Aujourd’hui, c’est le terme « usager » qui est prépondérant. Ce qui montre bien le glissement induit par l’arrivée des traitements.

Qu’ils s’agissent de prévention, de dépistage, de soutien aux malades, de vulgarisation des données scientifiques, de relais d’information, d’accompagnement dans des démarches administratives parfois complexes, les associations ont l’expertise de terrain, celle hors les murs de l’hôpital.

Si les pouvoirs publics reconnaissent la nécessité de leur existence et de leurs actions, les associations sont en danger. Crise et restrictions des subventions publiques conduisent bon nombre d’entre elles à lutter pour leur simple survie au détriment des missions autour desquelles elles se sont constituées. Ainsi, si Act Up ne comble pas le manque à gagner d’ici la fin du mois, elle se retrouvera en situation de cessation de paiement. De même, AIDES s’est retrouvée contrainte de mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi à la fin de l’année 2013.

Dans ce contexte, il me semble plus que jamais essentiel que le collège III tienne une place importante au sein des COREVIH et, en ce qui me concerne, de la COREVIH Ile-de-France Nord. C’est pourquoi j’ai décidé de soumettre à vos suffrages ma candidature à la fonction de Vice-président.

Avant, de vous exposer les objectifs que je souhaiterais fixer au cours de cette mandature, permettez moi de me présenter.

Ma désignation en tant que membre titulaire de la COREVIH Ile-de-France Nord s’est opérée en tant que bénévole actif de l’association Actions Traitements. Elle est le résultat d’une volonté personnelle d’intégrer cette instance. Il m’est en effet apparu qu’il y avait là l’opportunité de jouer un rôle efficace en direction des séropositives et séropositifs. C’est aussi pour cette raison que je me suis porté candidat pour être membre du bureau.

Parce que la vie d’un militant associatif n’est pas toujours linéaire, j’ai quitté Actions Traitements pour rejoindre Act Up dont je suis actuellement membre.

Plus personnellement, j’ai été détecté positif au VIH le 01 février 2000 et pris en charge par le service d’oncologie de l’hôpital Laennec au stade SIDA. La principale affection opportuniste dont je souffrais été un lymphome cérébral qui a été résorbé par la simple restitution du système immunitaire par la prise de multi-thérapie.

Suite à d’important troubles métaboliques induits par les traitements, et, pour être tout à fait honnête, à un tabagisme aigu, j’ai été victime d’un infarctus important fin 2009. En 2010, j’ai été diagnostiqué diabétique et porteur d’une hépatite C.

Suivi depuis peu au SMIT de l’hôpital Bichat, je suis actuellement en invalidité sécurité sociale de catégorie 2 (autrement dit, considéré en incapacité d’exercer une activité professionnelle) et dans l’attente d’un traitement pour l’hépatite.

Si je m’autorise à porter à votre connaissance ces informations, ce n’est ni par gratuité, ni par manque de pudeur, mais c’est uniquement pour vous montrer combien je peux être sensible aux difficultés que peuvent rencontrer les séropositives et séropositifs. Car je n’ignore pas ma chance, moi qui ai toujours eu le soutien indéfectible de ma famille, de mes amis… Moi qui ne connais pas de difficulté financière et qui n’ai pas l’angoisse des fins de mois. Moi qui suis socialement intégré. Mais moi qui ne peux me résoudre à laisser de côté ceux pour qui la vie n’est pas tendre, ceux que le poids de leur environnement contraint au secret, ceux que la maladie a coupé de toute vie sociale, affective, professionnelle.

Voilà pour les présentations.

Bien évidemment, je me tiens à l’entière disposition de chacun d’entre vous pour toute question.

Car, c’est là l’objectif premier que je souhaite fixer à la mandature pour laquelle je candidate : disponibilité, échange, écoute.

Je garde à l’esprit que je ne suis pas là devant vous en tant que membre d’Act Up mais bel et bien en tant que représentant des usagers de notre territoire. J’insiste, car ce point me semble essentiel : de tous les usagers, sans aucune distinction.

En tant que vice-président, il m’apparaitrait plus que jamais comme un devoir d’être aussi bien hétérosexuel(le), homosexuel(le), bisexuel(le), transsexuel(le), toxicomane, salarié(e), chômeur(euse), travailleur(euse) du sexe, invalide, handicapé … mono-infecté(e), co-infecté(e). Et tous les autres. Je ne les oublie pas.

Cet engagement ne doit pas être considéré comme une simple posture. Le VIH reste avant tout une maladie de « populations » minoritaire. Une affection bien souvent de la marge. Marge parfois interdite de parole et trop souvent privée de droits. Il m’apparait comme impératif de porter leurs voix à toutes et tous.

Pour cela, il me semble nécessaire de mettre en place un échange efficace entre tous les membres du collège III. C’est dans cette perspective que je propose la mise en place rapide de tables rondes des acteurs associatifs de notre territoire selon des modalités et une fréquence qu’il nous faudrait déterminer par la concertation.

L’objectif serait d’assurer la fluidité des informations, des suggestions et des attentes et de permettre à la fonction de vice-présidence d’être un veritable relais entre l’ensemble des collèges constituant la COREVIH.

J’ai bien conscience de la difficulté à mobiliser les acteurs associatifs. Néanmoins, j’ai la conviction que si le dispositif s’avère efficace, il y a là un moyen d’agréger durablement les énergies et de renforcer les interactions entre les différents membres de notre instance.

Le second objectif que je souhaiterais me fixer, résulte, celui-là, d’un constat. Peu de séropositifs(ves) en dehors de ceux directement impliqués dans la lutte contre le VIH ont connaissance de l’existence de la COREVIH. Encore moins d’entre eux en connaissent les missions.

Pourtant, « participer à l’amélioration continue de la qualité et de la sécurité de la prise en charge des patients, favoriser la coordination de la formation et de l’information, de l’action sociale et médico-sociale, ainsi que des associations de malades ou d’usagers du système de santé » sont autant de sujets les concernant directement. La COREVIH doit être aussi un outil dont ils peuvent avoir l’usage. Or pour cela, faudrait-il que cet acronyme fasse sens.

Ce déficit de publicité s’explique probablement par la jeunesse des COREVIH. Cependant, si nous souhaitons remplir pleinement nos missions, il y a, il me semble, nécessité à promouvoir notre l’existence.

Dans cette perspective, la fonction de Vice-président renforcerait ma légitimé à démarcher auprès des acteurs associatifs afin qu’ils puissent constituer un relais plus efficace à destination de l’ensemble des usagers.

L’organisation de réunions de présentation sur l’ensemble de notre territoire assurée par les représentants des usagers à destination des usagers m’apparait également comme une méthode efficace de communication.

Quoiqu’il en soit, si nous voulons progresser sur ce point, il nous faut faire preuve de volontarisme et de disponibilité. Autrement dit, rien ne se passera sans actions hors de structures médicales.

Enfin, et pour conclure, en tant que Vice-président je souhaiterais faire acte de visibilité. L’une des effets de l’arrivée des traitements et qu’elle a fait de nous une sorte de peuple invisible. Il est apparu plus confortable pour beaucoup de monde, malades comme non malades, d’adopter la politique du silence. Ne pas dire et ne pas savoir.

Les conclusions du rapport Hirschel confortées par les récentes conclusions de l’étude «Partner» devraient logiquement accentuer cette culture du secret.

Loin de moi, l’idée de porter un jugement quel qu’il soit sur les stratégies et les choix adoptés par chacun. Car je n’ignore pas que, paradoxalement, si le VIH aujourd’hui est passé dans la catégorie des affections chroniques, les représentations de la maladie restent bien souvent, pour la population générale, celles du début de l’épidémie. A ma connaissance, peu de maladies ont autant fait l’objet de phantasmes, de peurs irrationnelles et, dans le cas les plus extrêmes, de névroses. C’est dire combien aujourd’hui être seropositif(ve) reste compliqué.

Bien que cela ne soit pas le champ de la COREVIH, il n’est pas inutile de rappeler que quarante-cinq pays restreignent toujours l’entrée sur leur territoire aux séropositifs. Seize pays, dont la Russie, appliquent un refus d’entrée catégorique

D’autre pays, comme le Canada, refusent à la plupart des étrangers séropositifs l’accès aux permis de séjour de longue durée.

C’est pour cette raison qu’il me semble plus que nécessaire aujourd’hui que certains d’entre nous puissent incarner la maladie afin de toujours rappeler que derrière le virus, il y a des femmes, des hommes et que si la maladie ne tue plus, l’exclusion, la discrimination, le rejet sont des formes de morts sociales tout aussi ravageuses qu’à pu l’être le SIDA en son temps.

Mathieu Lerault, membre d’act up, titulaire, collège 3 du comité de la COREVIH IDF NORD.

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