Montmartre par Sophie Bassouls

Le TPE : un quart de siècle d’efficacité… et un outil d’avenir

22 mai 2023 | Editos

Le TPE : un quart de siècle d’efficacitéPlus de 7 ans après son déploiement en France, la PrEP est un succès, avec fin juin 2022 près de 65000 personnes ayant initié la PrEP depuis 2016, et plus de 42000 qui l’avaient utilisé dans les 6 derniers mois[1]. Encore que ce succès est incomplet : parce que parmi les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), une partie (difficile à évaluer mais non négligeable) ne prend pas la PrEP alors que l’indication existerait chez eux ; et surtout parce que d’autres populations exposées, en particulier parmi les personnes en situation de migration, y accèdent très peu actuellement.

Ce succès ne doit pas faire oublier un autre outil majeur de la lutte contre le VIH : le traitement post-exposition. Utilisé en France depuis un quart de siècle, hautement efficace[2] (même si le chiffre précis de l’efficacité n’est pas simple à déduire de la littérature), il est parfois considéré comme moins important que la PrEP. Parce que c’est une protection a posteriori, et que nous préférons tou.te.s que les personnes exposées soient protégées a priori ; parce qu’il a parfois cette image un peu vieillotte d’un dispositif du passé ; et sans doute aussi parce que sa mise en place, toujours dans l’urgence (et même en service d’Urgences), parfois la nuit, lui donne cet aspect de médicament « de l’échec » : échec de la mise sous PrEP préalable, non-recours au préservatif, ou rupture de celui-ci …

Et cependant, de nombreux arguments font de ce traitement un outil d’avenir dans la lutte contre le VIH.

Ainsi, des travaux suggèrent que pour la plupart des travailleurs.euses du sexe[3], ce n’est pas la PrEP qui est le plus pertinent, car la grande majorité font en sorte que le préservatif soit toujours présent : c’est le TPE en cas de rupture du préservatif qui est le plus utile.

D’autre part, si la PrEP est encore relativement méconnue en dehors des gays (elle semble même encore mal connue parmi les HSH ne s’identifiant pas comme tels), le « traitement d’urgence » conserve sans doute une notoriété plus importante dans la population générale[4], et il faut capitaliser sur cette connaissance.

Par ailleurs, le TPE peut être l’occasion d’un premier contact avec la santé sexuelle, et l’initiation d’un parcours de vaccination, de counselling, voire de PrEP : cette porte d’entrée, que beaucoup n’auraient pas franchie si elles/ils n’avaient pas eu besoin d’un TPE, doit être favorisée, quand bien même, encore une fois, nous préfèrerions tou.te.s que ces discussions puissent avoir lieu en amont, sans ce passage stressant par un traitement après coup.

Enfin, ce qui empêche aujourd’hui comme hier un recours simple au TPE, ce sont ses modalités de délivrance : uniquement par certains prescripteurs, uniquement dans certains lieux (hôpitaux et Cegidd) … et la nuit uniquement aux Urgences. La prescription en médecine générale n’est en théorie pas possible, incongruité qui va sans doute évoluer sous peu. Cette difficulté à avoir recours au TPE, qu’une étude avait mise en lumière il y a quelques années[5], est de fait l’obstacle majeur à tout le potentiel de ce traitement : s’il était simple d’accès, avec une initiation sans prescription (avant une rapide réévaluation en milieu médical), sa dimension serait toute autre. Un essai clinique réunissant les Corevih Arc Alpin, Occitanie (pour la métropole de Montpellier), Paris-Île-de-France-Nord, et (via son Corevih) la métropole de Tours, a été retenu pour un financement ANRS-MIE pour expérimenter la délivrance d’un starter kit de 5 jours de TPE par des non-soignants, en l’occurrence des membres formé.e.s d’associations impliquées auprès des publics exposés. Le but est de poursuivre cette démédicalisation des outils de lutte contre le VIH, afin de favoriser leur utilisation la plus large possible, à l’instar des programme de suivi des PrEPeurs (prescription comprise) par des infirmier.e.s, ou (depuis plusieurs années maintenant) des TROD sans soignants et des autotests.

Si la PrEP est un outil central, et dont il faut encore élargir le déploiement, en ne laissant aucune population exposée à l’écart, le TPE est son complément incontournable. Ce n’est pas secondaire de favoriser sa connaissance et de faciliter sa délivrance, y compris par des acteurs non soignants : tant que l’épidémie ne sera pas maitrisée, il restera indispensable.

[1] https://www.epi-phare.fr/rapports-detudes-et-publications/suivi-utilisation-prep-vih-2022/
[2] https://academic.oup.com/cid/article-pdf/60/suppl_3/S170/20913122/civ092.pdf
[3] https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-03598143/document
[4] https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01251702/document
[5] https://www.cairn.info/revue-sante-publique-2016-6-page-791.htm

Pr Olivier Epaulard
PUPH, Service des Maladies Infectieuses, CHU de Grenoble
Président du COREVIH Arc Alpin

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