Montmartre par Sophie Bassouls

Agir pour une véritable politique de RDRD dans les prisons françaises

7 mai 2024 | Editos

Au premier avril 2024, la France comptait 77450 personnes détenues pour 61 570  places, 20438 personnes en attente d’un jugement, un taux d’occupation supérieur à 200 % dans 17 établissements et 3307 personnes contraintes de dormir sur des matelas au sol.

La santé des personnes détenues, qui est souvent moins bonne comparativement à la population générale, du fait de multiples facteurs de vulnérabilité, peut encore se détériorer pendant la détention. La vétusté, l’insalubrité et la surpopulation dont souffrent une majorité des prisons françaises y contribuent. Ainsi que le manque d’une politique de prise en charge sanitaire éthique et pragmatique.  En particulier en matière de réduction des risques en matière de sexualité et d’addictions.

Alors qu’entre 30 et 60 % des personnes détenues sont des consommateurs réguliers de produits stupéfiants, l’accès aux outils de RDRD (Réduction Des Risques et des Dommages) y compris la naloxone indispensable contre les overdoses, demeure problématique en milieu carcéral.  Des publications prouvent pourtant la persistance et l’importance de la consommation de produites psycho actifs en détention.

Les soignants favorables à la mise en place de programmes d’échange de seringues (PES) sont confrontés à une opposition farouche et constante de l’administration pénitentiaire. Les préservatifs, le plus souvent disponibles uniquement dans les unités sanitaires, sont rares, et le TPE et la PrEP sont difficilement accessibles. Des raisons sécuritaires sont ainsi priorisées au détriment des soins. Et en 2024, il n’existe toujours pas de politique nationale de RDRD en milieu carcéral. Et ce malgré les études qui montrent l’importance des risques de transmissions virales et d’infections bactériennes en milieu carcéral, du fait non seulement à la consommation de drogues, mais également de la persistance d’autres pratiques : sexuelles,  coiffure, piercing, tatouage,…

La prévalence de l’hépatite B oscille ainsi entre 0,8% et 3,4% en détention. Celle du VIH est de 2% selon l’enquête Prévacar datant de 2010.  La prévalence du VHC est elle de 4,8 %. La prison est donc un lieu d’exposition aux IST.

La loi du 18 janvier 1994, qui confie la  santé des personnes détenues au ministère de la Santé, et rattache les unités sanitaires en milieu carcéral à un hôpital de référence,  érige en principe  éthique central l’égalité en terme d’accessibilité et  de qualité des soins.

Les COREVIH et les services hospitaliers de rattachement des unités sanitaires, ont ainsi une responsabilité en termes de soutien et d’apport d’expertise aux professionnels de santé exerçant en prison et à leurs patients.

Il est donc temps de se mobiliser dans ce sens en plaidant notamment pour :

  • La mise en place d’une étude épidémiologique d’envergure sur les épidémies en détention.
  • L’accessibilité de l’ensemble des outils de réduction des risques : préservatifs, lubrifiant, PES, Naloxone.
  • Le développement de programmes de TPE et de PrEP à l’instar de l’offre en milieu libre.

La majorité des personnes est condamnée à des peines de courte durée,  et a vocation à retrouver la liberté. Protéger la santé des personnes détenues, est donc un enjeu fort de santé publique pour tous

 

Dr Marie AHOUANTO CHASPOUL, Service de Santé Étudiant (SSE) Paris Cité, Médecin de Santé Publique à l’Hôpital Bichat Claude Bernard.

Les éditos du COREVIH

Une santé pour tous à l’exception de ceux nés à l’étranger ?

      En vertu du droit international, les personnes migrantes ont des droits en...

Altérité et santé publique

      Cela fait longtemps que nous postulons tous que les meilleurs succès de santé...

Le TPE : un quart de siècle d’efficacité… et un outil d’avenir

      Plus de 7 ans après son déploiement en France, la PrEP est un succès, avec...
Edito Jean-Marc Bithoun

Les préservatifs gratuits… avec la prévention diversifiée, c’est encore mieux !

      Les jeunes de moins de 25 ans représentent environ 15% des découvertes de...

Le Patchwork des Noms, combattre le SIDA au-delà de la mort

      Déjà plus de 40 ans que l'épidémie du VIH/sida est officiellement déclarée et...

Monkeypox : une nouvelle infection sexuellement transmissible ?

      Après plus de deux ans rythmés par l’évolution de l’épidémie de COVID-19, une...

A l’agenda

Aucun événement trouvé !
En savoir plus
Share This
Aller au contenu principal