Vieillir avec le VIH, une réalité en 2021
Il y a encore 25 ans, vieillir ne faisait pas partie du vocabulaire des personnes atteintes par le VIH. Les mots « projet » ou « parcours de vie » non plus.
En 1996, les plus de 50 ans ne représentaient que 15% des personnes séropositives pour le VIH. En 2020, ce sont 50% des personnes séropositives qui ont plus de 50 ans.
Depuis l’avènement des trithérapies antirétrovirales en 1996, la mortalité des personnes vivant avec le VIH a chuté, leur espérance de vie a augmenté, jusqu’à rejoindre celle des personnes séronégatives, lorsque le virus est contrôlé et les lymphocytes CD4 normalisés.
Il leur a fallu réapprendre à se projeter dans l’avenir, faire des projets, s’autoriser à fonder une famille.
Avec le vieillissement des patients, les médecins ont dû s’adapter à la gestion des comorbidités, prendre en compte les interactions médicamenteuses multiples.
Aujourd’hui, il est urgent d’entendre la parole des personnes-mêmes concernées.
Le COREVIH Ile de France Nord (services hospitaliers et associations de patients) et le Cermes3 ont piloté une étude sociologique auprès de 32 patients de plus de 60 ans, dont les deux tiers sont originaires d’Afrique subsaharienne ou du Maghreb, afin de recueillir leur témoignage, faire ressortir les particularités liées au VIH et l’impact sur leur projet de vie.
Elle met en évidence les répercussions du VIH sur le parcours de vie, les contraintes vécues dans le parcours professionnel et résidentiel, un plus grand retrait de la vie amicale et sexuelle. Elle montre les différentes stratégies de gestion de l’information : garder le secret sur son VIH, en parler à quelques proches choisis, envisager de le dire dans le grand âge, « prévenir sans dire » en inventant un « autre » séropositif.
A l’heure de la retraite, se pose la question de la poursuite ou non d’une activité salariale, contrainte par les absences prolongées sur le marché du travail, ou permise du fait d’une santé maintenue. Beaucoup de personnes envisagent un retour au pays, tout en s’interrogeant sur la faisabilité de ce projet.
La prise en compte de ces témoignages et interrogations devient incontournable pour améliorer la prise en charge des personnes vieillissantes vivant avec le VIH.
Dr Agnès VILLEMANT
Sarah YVON
Cermes3 (Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale, société, CNRS/INSERM/EHESS/Université de Paris)